Le dessin en soi est une alter-idée… même si on a dit que « le dessin est ce qui art
dans l’art » – et donc est partout. Et pourquoi architecture, ville vernaculaires et
dessin ?
Selon Jean Luc Nancy le dessin est la recherche de la vérité du paraître de l’objet.
Pour l’approcher (jamais l’atteindre évidemment), le dessinateur doit se laisser
investir par cet « apparaître ». S’il n’est pas touché par ce qu’il voit, son dessin ne
touchera personne.
Et qu’est-ce qui peut toucher le poète-dessinateur, quand il contemple
l’architecture, la ville ? Dans une optique très vaste, c’est tout ce qui renvoie à la
vie, à la condition de l’homme. Pourquoi le vieux massif montagneux aussi nous
touche, ou le cours d’eau, le vieux pont, la rue ancestrale ou encore une main
calleuse sur un établis ? Ils sont le cadre, l’environnement de l’homme depuis
longtemps. C’est cela que je vois par exemple devant les bateaux rangés dans le
port de Honfleur. La durée, l’histoire concentrées dans une vue : ce vieux port,
la rade devenue bassin rectangulaire, les quais, les habitation alignées autour, ces
charpentes comme des coques de vieux bateaux renversées…
C’est aussi une durée qui fait du dessin une approche vernaculaire. Quand je
dessine, je poursuis cette nécessité et ce plaisir des hommes des cavernes, il y a
plus de 20 000 ans. Mes gènes le savent.
Et pourquoi le dessin serait-il « alter-idée » ? Parce qu’il est dans le temps de
l’observation, du ressentir, et il n’affirme pas un sujet (un auteur, un artiste), il est
le médium presque transparent, entre l’objet (cette femme qui boit dans le dessin
de Watteau par exemple et celui qui contemple le dessin : Watteau n’est plus, la
femme est là).
Ce dessin, c’est la représentation où le lieu, l’objet est acteur. Ce que j’aimerai que
l’on voit ici, c’est le Port de Honfleur.