dessin Y.B.
On frémit à l’idée qu’en quelques décennies, soixante pour cent des habitants de notre planète sont devenus des urbains. Et les chiffres dans ce domaine inquiètent : Mexico vingt millions d’habitants, Shanghai, Calcutta, Kinshasa… Nos agglomérations françaises, certes moins gigantesques, ne sont pas pour nous rassurer. Elles laissent, quand on les parcourt, le sentiment de l’inachevé, du négligé, d’une manière d’habiter qui n’est pas vraiment tenable sur le long terme. Face à ce déferlement d’une urbanisation chaotique, la ville historique européenne, aussi attractive soit elle, est quantitativement négligeable. Elle échappe aux radars des statisticiens. Mais elle est qualitativement remarquable, et on peut en tirer des enseignements pour réparer et reconstruire nos urbanisations bâclées.
Le premier de ces enseignements, en tous cas le plus spectaculaire, est la place essentielle qu’elle accorde à la venustas dont parlent Vitruve et Alberti dans leurs traités d’architecture. Soit l’importance donnée aux questions esthétiques et à la quête de la beauté. Sur l'Acropole d’Athènes, édifiée au Ve siècle avant Jésus Christ, on peut voir des temples dont les sols sont légèrement bombés, les colonnes galbées et inclinées les unes vers les autres, les lignes horizontales incurvées dans une recherche d’harmonie qui n’a jamais été poussée aussi loin. Des temples qui abritaient des statues et bas relief dont il reste des vestiges disséminés dans quelques musées de par le monde. Des sculptures d’une beauté à pleurer. Athènes la démocratique, avait en ce temps là deux cent mille habitants au maximum. Elle en a aujourd’hui trois millions qui se logent dans des architectures brutalement géométriques réparties dans un tissus urbain répétitif et engorgé par la circulation automobile.