Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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2 nov. 2012

mère commune

thème : communaux / texte P.G. & dessin A.S./

Notons l’importance d'un glissement sémantique en remarquant qu'"intérêt" est désormais très loin de son point origine : l’interest en latin, l’intersum, est à la fois ce qui "est entre" et ce qui importe. Il est un lien faisant société et non un lamentable profit financier. De même, l’économie en grec ancien correspond à la meilleure gestion possible, non à une triste réduction des dépenses. Passons sur le mot capital qui désigne ce qui importe le plus, ce qui est à la tête… Oublions enfin le progrès, qui aurait pu glisser vers l'idée d'un "sens commun" mais se fond désormais dans la croissance du Pib que nos économistes véreux attendent comme le Saint Graal. Il est assez singulier que ces mots soient vulgarisés dans une logique monétaire bornée, alors qu’ils sont les clefs pour comprendre la relation intelligente des individus en société. Si nous voulons comprendre le sens de ces mots et sortir de notre prison financière, il nous faut ajouter un second terme : parlons déjà d’un intérêt-commun et d’une économie-soutenable, en attendant que s'imposent le capital-fondamental et le progrès-durable, pléonasmes qui se perçoivent étrangement comme des oxymorons !

Cependant, la globalisation économique et ses vaines tentatives d'extension sur la morale s'achève déjà sur une unique prise de conscience collective : nous vivons dans une biosphère et notre "intérêt commun" consiste à la préserver. Sa pérennité devient notre capital, mère des mères, grande poupée gigogne qui semble contenir toutes les autres. Matriochkas dont les éléments sont autour de nous aussi bien qu'en nous-mêmes. Petite dame Nature à la fois externe et interne, allant de la planète aux micro-organismes qui composent notre corps. Grâce à la sphère technique d'information qui va de l'échelle micro-individuelle à celle de la globalité, nous comprenons que nous sommes les fragments de Madame Gigogne. La biosphère entre dans nos têtes comme une évidence et nous n'avons déjà presque plus à nous fatiguer en multipliant les pléonasmes car chacun pressent ce que signifie fondamentalement capital, intérêt et économie. C’est l’avantage du glissement sémantique : il n’est ni irrémédiable, ni irréversible… Il glisse sur l’air du temps. A nous d’intégrer la logique gigogne de la biosphère. A nous de comprendre que le changement est toujours possible dans ces "intérieurs", en chaque lieu, de tout temps.

3 commentaires:

  1. Tout-à-fait d’accord : Il ya un glissement sémantique. Et qui dit glissement laisse penser qu’il y a une régression, car, exceptés les surfeurs, on glisse rarement vers le haut. Si nous voulons nous comprendre il faut donner aux mots un même sens (une même définition), ce qui n’est pas évident mais capital. Si nous donnons un sens personnel il faut le définir sinon on entre dans la confusion et les malentendus (ou plutôt les bien-entendus mal-interprétés). Dans une évolution il peut y avoir un progrès ou une régression, mais l’évolution du danseur c’est tout autre chose : Ici on évolue dans l’art et la poésie. Malheureusement en Art ça va souvent dans tous les sens. Il reste donc à donner une définition au mot Art. . .

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  2. L'art c'est tout ce qui ré-interprète le monde. C'est-à-dire qui l'observe, l'écoute, le fait sien, et en donne une nouvelle formulation. Il me semble que c'est simple finalement.

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  3. (Je relis ce texte dix ans après, et répond avec retard à Claude Marcou)

    Pour l'art utilisons la même méthode : l'étymologie. Le Gaffiot nous dit qu'« ars, artis » signifie talent, savoir-faire, habileté, et, en dernier, art ; bien loin de l'idée qui consisterait à réinterpréter le monde... On le sait depuis Morris, et plus encore depuis l'Antiquité, l'artiste devrait être artisan, c'est-à-dire celui qui offre une fresque à une maison et non un placement financier défiscalisé à un spéculateur. Car l'art en tant qu'interprétation, c'est du pipeau, du commerce, de la force-de-vente, et la matière qui se cache derrière - on le sait - ça peut alors être n'importe quoi, rarement le meilleur, presque toujours le pire. (P.G.)

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