Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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13 oct. 2012

modèle (déf.)

dessin A.S.

Modèle -. L’architecture vernaculaire sait être simple sans être pure, être subtile sans être incompréhensible. Son but est de perfectionner une forme en tirant parti des contraintes nouvelles. Si on la trouve simple, c’est que l’on connait déjà une partie de ses clefs : elle rend hommage à un modèle reconnu, non par sa réutilisation telle quelle à un autre endroit mais par une attitude générale où l’échelle humaine est rappelée à chaque occasion (menuiserie, couverture, maçonnerie, etc…), où le travail manuel est le reflet de notre condition et - à ce titre - visible, intelligible et maîtrisé. Chaque modification d’une forme garde à ses côtés une forme connue servant à la fois de contrepoint et d’ambassadeur.

La création en hommage à un modèle est l’un des points qui différencient les constructions vernaculaires des constructions actuelles. Il ne s’agit pas d’une modélisation faite une fois pour toutes et valable automatiquement dans n’importe quelle situation ; C’est plutôt une référence qui a interprété un lieu élégamment, et dans laquelle le propriétaire se reconnaît autant que l’architecte. Une référence qui a suscité suffisamment d’admiration pour créer une sorte d’univers symbolique qui habitera la construction vernaculaire. C’est notre rapport au modèle, à ses multiples aspects, qui fait du projet un corps, à la fois spécifique et différent (comme nous le sommes tous : maître d’ouvrage, maître d’œuvre, lieu) mais aussi en parenté (avec ceux qui ont choisi le même modèle).

Ce sont ces parentés qui créent une culture commune. Des traditions qui, jusque-là, ont pu traverser et relier les siècles et parfois les aires géographiques. Si le modèle de chacun est un Ovni industriel, cela devient une culture sans passé et sans lien symbolique avec notre humanité. Sans passé, même réinventé à chaque génération, quel sens peut-on trouver à notre existence ? S’il s’agit simplement de survivre, se nourrir, dormir, pourquoi continuer ? L’intérêt de continuer vient du sentiment d’être le maillon indispensable dans une chaîne de transmission. La forme et la solidité de notre maillon est de notre ressort. La partie visible de l’architecture contemporaine ressemble à un amoncellement de triplettes de maillons flottants, inévitablement destinés à la déchèterie…

=> sujet [modèle] / message précédent : intelligible (déf.)

5 commentaires:

  1. D'accord, de même. Il faut aussi prolonger la question de la "modélisation", soit la "normalisation", pour en venir à la "norme" : ce "modèle" global, légalement obligatoire, inévitablement impensé (sauf dans une nébuleuse lointaine) !

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  2. Le modèle c'est un moyen de comparer les dimensions, les mises en scène, de confronter des souvenirs et de nouveaux endroits. Là où l'on refuse les modèles, c'est qu'on se place au dessus: incomparable, inintelligible. La modélisation fait entrer la réalité dans un filtre automatique et toujours complexe, les rapprochements cessent d'être poétiques, ils sont chiffrés, rendus abstraits et inintelligibles.
    Celui qui prend modèle est dans l’inquiétude de faire une erreur, d'en faire trop, ou pas assez, celui qui modélise est dans la certitude du calcul juste. Je ne sais plus qui disait "inquiétez-vous de ne pas vous inquiéter"...

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  3. Le "modèle" qui permet d'interpréter, de transmettre l'"idée", d'échanger et de donner un air de famille aux édifices qui fabriquent la ville vernaculaire et sa cousine la campagne, n'est-ce pas plutôt la bien plus prosaïque "règle" ?(Alberti ou encore le principe d'"imitation" de Quatremère de Quincy...).
    Pour en venir aux "nébuleuses" : les inventeurs de "modèles" ne renvoient-ils pas à quelques nébuleuses utopiques ? (Moore, Le Corbusier...).
    Clin d'oeil au texte La règle et le modèle de Françoise Choay...

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    1. Nous sommes tous, ici, à l’évidence, redevables aux écrits de Françoise Choay… Je serais cependant prudent sur le mot "règle" qui peut être mal-interprété comme "norme". C’est la question que je voulais justement soulever – la norme est imposée alors que l’on peut choisir son modèle. La norme, on y obéit, on ne la voit pas, elle est souvent inintelligible pour l’individu, parfois non-conscientisée. Aujourd’hui, la norme est légale (ISO) et chacun se trouve dans l’obligation juridique de s’y plier (même si nous la trouvons collectivement stupide). Je crois que l’idéal néoconservateur consistant à imposer la règle va mourir. Et nous nous souviendrons que le modèle était la marque d’un choix convergent par des individus différents et non pas une règle constituée par un système de gouvernance et imposée autoritairement ! Pour creuser le sujet, je viens de rédiger le message « pantin normalisé ».

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