Vers un nouvel art de bâtir - nos villes vont cesser d’être le bras armé d’une vieille doctrine totalitaire : celle du robot-ogre, normalisé et globalisé, dont la beauté de brute ne s’exprime qu’en formatant ses habitants et en violant les paysages. Elles vont se différencier peu à peu comme autant de concrétions naturelles où s’accumuleront ingénieusement les ressources locales, les cultures, les désirs et savoir-faire.

"VV" - un blog pour imaginer cette mutation, partager nos expériences, discuter, se rencontrer, proposer...

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18 juin 2012

digne banalité 1/2

dessin N.D.

La ville, les paysages, l’existence, l’ordinaire quotidien, dans leur accomplissement, génèrent des situations acceptables, parfois sublimes, parfois monstrueuses : l’annonce d’un meurtre, d’un coup d’état, d’une naissance, d’un miracle, d’une victoire… Cette « construction » du quotidien, ouverte au pire et au meilleur, a toujours été attendue avec optimisme, dans la mesure où un minimum de confort est nécessaire à l’épanouissement de la société. Les bouleversements politiques, les guerres, les drames, les fêtes et les commémorations, les événements extraordinaires rythment l’histoire sociale et s’inscrivent dans le lit du quotidien : la vie privée et publique des hommes. La justice, les exactions, ou tout autre moment relativement conséquent de la vie humaine, s’inscrivent dans l’ordinaire du quotidien, mais l’envergure et la situation de ces moments particuliers peuvent les métamorphoser en événement « extraordinaire ».



L’action de la société sera de maintenir la vie quotidienne, parfois secouée d’événements exceptionnels, dans un cadre d’institutions convenables et dans un environnement matériel le plus décent possible.

C’est dans le sens du maintien d’une dignité du quotidien que nous pouvons évoquer « un souci de l’ordinaire » en architecture... Le quotidien est une construction temporelle fuyante et répétitive, mise en scène sur un terrain concret d’apparence fixe. Il se matérialise par la production du paysage comme artefact, avec ses permanences et ses irruptions matérielles peu à peu englouties dans l’océan de l’ordinaire, du tracé d’une route aux plantations d’une exploitation agricole, du tracé d’une rue à l’élévation d’édifices...

Le tourisme suscite souvent le dépaysement ; moins par simple goût du changement que par désir de fuir la banalité du quotidien : un paysage, un lieu qui offre une identité pittoresque attireront l’attention. Paris, Manhattan ou la Toscane ont une identité forte. Ces lieux particuliers et leurs monuments éveillent l’imaginaire. Le « pittoresque », réelle source de plaisir, n’est pourtant rien d’autre qu’un environnement ordinaire dont le caractère a été maintenu. Si ce caractère nous séduit, pourquoi se contenter de le conserver dans des lieux exotiques ? Notre quotidien est d’autant plus morose qu’il n’est pas traité comme une source de plaisir.

Ne pouvons-nous pas chercher à perpétuer le pittoresque là où nous vivons ? Notre quotidien ne mérite-il pas de se mesurer aux plus beaux paysages et aux plus beaux quartiers anciens ? Si les édifices extraordinaires attirent les foules, que seraient-ils sans l’environnement plus humble qui les cerne ? Que serait la cathédrale de Sienne sans le charme de ses ruelles et la beauté des collines du Chianti ? Si le pittoresque exerce une attraction, il génère de la valeur, et cette valeur ne saurait perdurer si elle demeure "muséifiée". Le souci de l’ordinaire ne doit pas se cantonner aux seules destinations touristiques. Il doit être permanent, quotidien, évolutif, omniprésent et vivant.




dessin N.D.



Le théâtre de l’ordinaire ou la dignité du banal. « Le soucis de l’ordinaire en architecture, introduction au Classicisme ordinaire » in Edition 3, direction Laure Bouchard, Emilie Guigueno, William Parlon, éditions Revue d’architecture et d’idées, 2011, Paris.

(voir Du Classicisme ordinaire, texte de Nicolas Duru, avec la collaboration d’André Scobeltzine, éditions de l’Espérou, 2004, Montpellier)

1 commentaire:

  1. Merci André pour ce bel exemple de petit pavillon à vocation "technique". Il est vrai que peu d'ingrédients suffisent à ennoblir la plus bête des constructions. Ici, comme tu le fais remarquer, un bossage et une corniche en pierre. A nous, avec des matériaux aussi simples (la pierre, la terre cuite et des pièces de bois), de nous approprier ces ornements et pourquoi pas, de les réinventer !

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